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jeudi 13 octobre 2011

Yacine Temlali au Café littéraire de Béjaïa : " Une langue est un instrument pour accéder à la culture"

L’impact de la littérature et du cinéma dans la société, la question de l’engagement et du militantisme dans la production romanesque et cinématographique, ainsi que l’actualité politique et sociale, ont été les principaux axes du débat qui a réuni le journaliste chroniqueur et critique littéraire, Yacine Temlali, avec le public du Café littéraire de Béjaïa, samedi dernier, lors d’une table ronde au niveau du théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh.

La question ayant suscité le plus de réactions de la part de l’assistance, était celle relative à ce que certains critiques appellent « la littérature de l’urgence » et qui, de l’avis de bien de spécialistes, sacrifie l’architecture esthétique et poétique. L’urgence de dire le drame et de «témoigner » de la tragédie de la décennie noire (1990-2000) étant la priorité. « Un label » que conteste Yacine Temlali, sans pour autant disqualifier cette littérature-là, car pour lui, « ce n’est pas l’urgence qui va déterminer la qualité ou la validité du témoignage, cette appellation est une sorte de trouvaille éditoriale, parce qu’elle est porteuse au niveau commercial.

Cette littérature est éditée à l’étranger, principalement en France, en raison de l’intérêt majeur pour le contexte tragique de cette période et qui en a été déterminant dans le choix de ces écrivains… ». Nécessité donc, pour le critique littéraire de se détacher du carcan de ce terme et d’observer l’œuvre littéraire d’un point de vue formel d’abord…, il en veut pour preuve, la littérature produite dans les années cinquante, à l’exemple de Dib, Kateb et Mammeri, qui en s’appropriant la langue de l’ancien colonisateur, ont dépassé le simple témoignage pour fonder une esthétique propre au roman algérien, affirmant par là, l’existence d’un peuple conscient de sa condition et faisant de cette langue un instrument de lutte… Nedjma n’a-t-elle pas témoigné des massacres du 08 Mai 1945, et pourtant…

Le constat est le même s’agissant de le production filmique , « je reproche à certains réalisateurs la proximité du discours politique sur la tragédie et j’ai pu voir, dans certains films, comme Rachida de Yamina Bachir-Chouikh, une sorte de traduction cinématographique d’un discours sur la guerre civile, qui de mon point de vue, était un discours un peu sommaire qui ne va pas forcément au fond des choses », affirme le conférencier, et d’insister pour dire que l’œuvre littéraire n’est pas forcément le produit d’un contexte politique.

L’idéal ne serait-il pas de concilier devoir de vérité et devoir esthétique, car littérature est aussi du domaine social en plus d’être celui de l’esprit ? Toujours sur la thématique de la littérature, Yacine Temlali soutient qu’elle ne se doit pas d’être nécessairement engagée : « je ne crois pas que la littérature se doit d’être engagée, il y a des écrivains engagés, d’autres non, ce n’est pas l’engagement qui est déterminant dans la valeur esthétique de leurs œuvres. Il y a des écrivains nombrilistes qui ne parlent que d’eux- mêmes et qui ont la haine du peuple, mais qui sont extrêmement talentueux… Cossery ne porte pas de discours revendicatif sur son peuple, mais l’a servi en parlant de lui et de la condition dans laquelle il vit … » Abordant la problématique linguistique en Algérie et son corollaire à travers la littérature, Yacine Temlali fustige la Francophonie, qui est, selon lui, un simple argument de vente.

Il trouve stérile et sans fondement la polémique de Othmane Saadi sur la politique linguistique en Algérie: « Le fait de connaître une langue, c’est avoir un instrument pour accéder à un patrimoine, à une connaissance, à une culture… ». Sur la question d’un intervenant, contestant le choix des auteurs sélectionnés dans l’ouvrage Algérie, chroniques ciné-littéraires de deux guerres, Ed Barzakh 2011, notamment le choix de Boudjedra comme corpus d’étude, Temlali souligne que bien qu’il ne partage pas les positions politiques de Boudjedra, il ne reste pas moins le meilleur écrivain algérien à ses yeux, qu’il le préfère de loin à Malek Haddad qu’il juge «ennuyeux et d’une naïveté désarmante » …

Le journaliste et critique littéraire se mit à répondre aux questions du public, dans un échange passionné et passionnant. Ainsi, évoquant le métier de journaliste, l’invité du Café Littéraire estime que ce dernier se doit d’être dans un rapport de revendication et non dans un rapport d’amitié avec sa hiérarchie. Il regrette l’absence de critiques littéraires spécialisés dans la presse, notamment écrite, ce qui aurait participer, à coup sûr, à une meilleure approche des œuvres littéraires ! Concernant le traité d’amitié Algéro-Français, le chroniqueur affirme que ce n’est pas « un traité d’amitié qui mettra fin au passif douloureux entre les deux pays (…), l’exemple de la Libye et de l’Italie en est révélateur.

Le traité d’amitié Italo-libyen, signé en 2009, n’a pas empêché l’Italie de faire partie de la coalition… De mon point de vue, l’enjeu majeur demeure les relations économiques privilégiées qu’entretiennent la France et l’Algérie… ce qui est intéressant, pour ma part, c’est comment sont traduits ces rapports sur le plan cinématographique et littéraire… ». Il est à noter que cette séance a été ponctuée par la projection de caricatures réalisées par le talentueux dessinateur, Ghilas Aïnouche.

Nabila Guemghar

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