Publicité

AdSense

dimanche 27 septembre 2009

ABDENNOUR ABDESSELAM : Si Mohand et Baudelaire sur la balance

L’idée de comparer l’oeuvre poétique de Si Mohand Ou Mhand avec celle du poète français est sans doute originale, mais en quoi peut-on faire le parallèle entre ces deux poètes?

Abdennour Abdesselam y répond dans un livre intitulé Si Mohand en Kabylie et Baudelaire en France. Le choix de ces deux poètes est sans doute motivé par le fait qu’ils aient cassé des tabous et non des moindres. Les deux ont vécu en marge de la société. Il s’agit aussi de deux poètes contemporains. Selon Abdennour Abdesselam, plusieurs aspects communs ont marqué la vie des deux poètes. Ils ont tous les deux chanté l’amour, le vin, l’ennui, le désarroi, les remords, l’angoisse, la souffrance, la contestation, etc. D’autre part, Si Mohand et Baudelaire étaient, tout deux, des anticonformistes face aux règles établies par l’ordre en place et ils se sont fait seuls dans les tumultes de la vie. Tout jeunes, la vie les éprouva durement, d’abord par le fait d’avoir perdu leurs parents étant enfants.

«Le poète dans la société occidentale a joué le rôle d’´´écrivain public´´ tandis que dans les sociétés à tradition orale, comme c’est le cas de la société kabyle, le poète a été la voix des siens. L’écriture et l’oralité sur ce genre précisément, ont joué le même rôle. C’est là un autre point commun aux deux poètes: celui d’avoir été au service de leurs sociétés respectives», explique Abdennour Abdesselam, auteur de nombreux ouvrages dans le domaine de la culture berbère. Le livre en question rappelle certains faits marquants de la vie de Si Mohand et de celle de Charles Baudelaire. Ainsi, ce dernier après avoir subi une véritable inquisition, est condamné par la justice française, en 1856, pour atteinte aux bonnes moeurs. Le poète n’est réhabilité qu’après un siècle plus tard. En revanche, Si Mohand a été consacré par les siens.

A travers son livre, Abdennour Abdesselam nous fait voyager dans la Kabylie de l’époque de Si Mohand et dans la France du temps de Baudelaire. L’ouvrage est organisé en plusieurs chapitres qui rendent la lecture agréable: répercussions de la poésie d’amour de Baudelaire, chronique d’un bouquet de poèmes condamnés, Charles Baudelaire réhabilité, les poèmes sur lesquels Baudelaire avait été condamné, thématique poétique kabyle avant la conquête coloniale et après, le chant de l’amour dans la société kabyle, répercussions de la poésie d’amour de Si Mohand, joutes oratoires d’amour, etc.

Comme on pourrait le constater, le livre de Abdennour Abdesselam est l’occasion de replonger dans la poésie aussi bien kabyle que française représentée par l’un de ses plus grands poètes: Charles Baudelaire.

A la sortie de son livre en France, Les Fleurs du mal, celui qui est devenu la création de la nouvelle poésie française n’a pas échappé aux foudres des critiques et de la presse. Le journal Le Figaro a écrit au sujet des Fleurs du mal: «Ces fleurs s’épanouissent, mais sur un fumier.» Aussi virulente, La Revue des deux mondes commente la sortie du recueil: «Que serait une société, que serait une littérature qui accepterait M.Charles Baudelaire pour leur poète?» Un autre commentaire acerbe, écrit par un certain Gustave Bourdin: «Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du coeur... rien ne peut justifier un homme de trente ans d’avoir donné la publicité du livre à de pareilles monstruosités.»

Dans la deuxième partie du livre, on découvre le contexte que représente la société kabyle prenant alors connaissance des poèmes de Si Mohand, qui lui, n’a pas vraiment fait l’objet de critiques aussi dures pour une multitude de raisons. Abdennour Abdesselam se demande: «Comment peut-on expliquer ou même imaginer qu’un poète comme Si Mohand, qui a fait dans un verbe plus que sensuel, sur le vif, l’ardent et le frétillant de la langue et pour son époque, ait été célébré déjà de son vivant et jusqu’à nos jours encore.» Au sujet de la société kabyle, l’auteur cite Mouloud Mammeri qui répond dans son livre Issefra de Si Mohand: «Il n’y a pas de cloisons, de tabous sociaux; tout le monde fréquente tout le monde.»

Dans le livre de Abdennour Abdesselam, le lecteur peut retrouver, dans leur intégralité, les poèmes de Si Mohand et ceux de Baudelaire que l’on qualifierait de plus osés, comme Les Bijoux, Lesbos, A celle qui est trop gaie, Femmes damnées, Les métamorphoses du vampire.

Aomar MOHELLEBI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

AdSense